- Point de départ officiel : Echo Lake & Chalet
- Date de début: 9 septembre 2018
- Date de fin: 5 octobre 2018
- Distance: 846,2 km
- Moyenne de km par jour: 31,3 km
- Nombre de jours zéro km: 4 zéros
- Montée totale: 28 923 m
- Descente totale: 30 015 m
La chance
La fameuse section des Sierras commence tout juste à Echo Lake, où nous devions nous rendre à South Lake Tahoe pour nous ravitailler et prendre un peu de repos.
Une petite frousse nous a gagnés après qu’un nouveau feu de forêt, doublé d’un ancien toujours en activité, menaçaient notre thru-hike. Un feu avait éclaté sur la route que nous devions prendre pour nous rendre à Bridgeport. Nos bear canisters nous y attendaient et nous devions nous y ravitailler tout juste avant notre entrée dans le parc de Yosemite. Nous ne pouvions plus nous rendre dans la ville, en plus de devoir dévier du sentier à Ebbetts Pass. Nous étions devant un double problème.
Pour contourner une trentaine de kilomètres entre Ebbetts et Sonora Pass, il aurait fallu faire du pouce sur plus de 100 km sur une route très peu passante en plus d’être ensuite bloqué pour se rendre à Bridgeport . Durant notre marche vers South Lake Tahoe, nous avons réussi à contacter le Fire Departement du haut de la crête pour nous informer sur la situation. Coup de théâtre, malgré aucune mise à jour sur le site de la PCTA concernant la section entre Ebbetts et Sonora Pass fermée depuis 1 mois, elle était rouverte ! Quel soulagement ! En plus, les pompiers ont rapidement maîtrisé le feu sur la route vers Bridgeport en une journée seulement, quelle chance !
Un ajout important
À l’intersection pour Bridgeport, nous avons été rapidement pris sur le pouce par un hawaiien d’origine. Il nous a raconté un nombre inimaginable d’histoires de requins. En effet, il s’était fait charger plusieurs fois quand il surfait et principalement sur la côte ouest-américaine. C’est toujours difficile pour moi de m’imaginer de tels scénarios étant un plongeur expérimenté. Je côtoie les requins d’une façon différente et amicale. Jamais je n’ai eu peur qu’ils m’attaquent. Bref, revenons à nos moutons qui ne seront pas attaqués par un requin !
Bridgeport à un côté désertique qui m’a frappé. Tornades de sable, cailloux à perte de vue, le paysage est désolé, mais magnifique à la fois. Au loin se trouvaient les imposantes Sierras qui nous attendaient. Pour ce nouveau défi, nous devions maintenant porter nos bear canisters. Un bel ajout de 3 livres à nos sacs pour la portion la plus alpine du sentier ! 🙂 Reste que c’est un ajout important pour cette section plus touristique. Il ne faut pas oublier que le but est de protéger les ours et non nous-mêmes.
Ne regarde pas derrière toi
Je crois que tous les amateurs de plein air de la planète ont déjà entendu ce nom, Yosemite, et avec raison ! La PCT passe par là, nous avons littéralement traversé le parc du nord au sud. Par contre, le sentier n’est pas dans la vallée très populaire où se trouve El Capitan. Au contraire, la première portion n’est pas très visitée, mais tellement magnifique. Des lacs alpins aux points de vue sur les montagnes à couper le souffle, nous étions servis pour notre entrée dans les montagnes. L’atmosphère était spéciale, avec les ours à profusion qui sortaient de nulle part. Je me sentais regardé par la nature aussi impressionnante.
C’était peut-être carrément le cas, un lion de montagne nous suivait peut-être ? Je sentais que j’allais en voir un perché sur le granite tôt ou tard ! La PCT croise la John Muir Trail à Tuolumne Meadows, ce sentier de longue randonnée est étiqueté comme un des plus populaires des États-Unis. Il fallait donc s’attendre à croiser plusieurs personnes. Nous étions contents, parce que depuis la fin de l’Oregon, nous étions pratiquement seulement tous les deux. Notre plan était de randonnée jusqu’à une intersection pour rejoindre un stationnement et réussir à atteindre Mammoth Lake. Mais pour l’instant, JMT nous voici !
Un sac ultraléger peut être ultralourd ?
Nous avions calculé 8 jours pour traverser les Sierras de Mammoth Lake en tenant une moyenne de 40 kilomètres par jour. Notre stratégie était de se rendre à Mammoth Lake pour se ravitailler pour 6 jours seulement. Ensuite, nous espérions avoir suffisamment de nourriture gratuite au Muir Trail Ranch (MTR) dans les montagnes pour compléter notre traversée, sans sortir des Sierras. Le plan B était de sortir pour nous rendre à Bishop, si jamais notre plan A tombait à l’eau. Le Ranch est reconnu pour être un point de ravitaillement important pour les randonneurs de la JMT. En effet, ils y envoient souvent trop de nourriture qui est transportée à l’ancienne: par convoi de chevaux à l’intérieur de barils en plastique.
Après 3 jours dans les montagnes, nous avons atteint MTR. Devinez quoi, c’était la dernière journée ouverte pour la saison, quelle chance ! L’endroit est incroyable. Il y avait un petit chapiteau et un alignement en forme de U de sceaux en plastique avec de la bouffe, de la bouffe et encore de la bouffe. Nous étions 4 PCT thru-hikers sur place en même temps, et nous avons sorti 5 jours de bouffe des barils chacun !
Notre plan A avait fonctionné à merveille. Cependant, je suis parti de MTR avec un sac qui n’avait jamais été aussi lourd. Une bear canister avec environ 7 jours de bouffe dans un sac 35 litres sans armature ni ceinture de taille. Mes épaules n’ont pas aimé les premiers kilomètres !
Septembre, tu es beau
La JMT passe dans trois parcs nationaux des Sierras: Yosemite, Kings Canyon et Sequoia. Je crois que c’est impossible de décrire la beauté de cette section avec des mots. Il faut être là, il faut le voir, il faut le faire et être totalement présent. De plus, le mois de septembre était simplement parfait pour notre traversée. Pas d’insectes, pas de pluie, pas de neige, mais un peu froid durant la nuit causée par notre équipement ultraléger. Notre rythme de 40 kilomètres par jour et les froides nuits nous ont créé un état d’esprit dans lequel il était difficile d’être dans le moment présent. Je sens que je devrai y retourner un jour pour apprécier davantage ces montagnes magiques.
Quand vous allez parcourir cette section, parce que vous allez le faire ;), vous allez vivre une promenade inoubliable. Vous êtes dans une vallée, pour ensuite grimper à plus de 3000 mètres d’altitude dans un col de montagne en terrain alpin exposé, pour ensuite redescendre dans une vallée à environ 1500 mètres et recommencer plusieurs fois. Je me souviens, juste avant de grimper sur Forester Pass à 4000 mètres d’altitude, j’étais très ému. Pratiquement tout au long de notre randonnée, nous redoutions ne pas être capable d’atteindre ce point précis à cause de l’hypothétique neige qui peut recouvrir les Sierras en automne.
Nous y étions, finalement, toute cette incertitude pour rien, tout ce doute pour rien. Un ciel bleu magnifique et perçant me faisait réaliser la chance que j’avais d’être en vie, ici et maintenant.
Je peux grimper très haut
Si je vous disais que vous étiez à côté du plus haut sommet des États-Unis, outre l’Alaska, mais qu’il ne fait pas partie du sentier de plus de 4000 kilomètres que vous parcourez. De plus, vous devez faire environ 30 km d’extra pour le monter, le feriez-vous ? À 4421 mètres d’altitude, le mont Whitney est imposant et peu même provoquer des malaises d’altitude pour certains. Si vous allez à une altitude que vous n’avez jamais atteinte, prenez votre temps et allez-y avec quelqu’un pour vous observer mutuellement. Après 4000 mètres, je pouvais sentir que j’avais un petit peu moins de souffle.
C’était un peu surréel: un point de vue de 360 degrés sur les Sierras en plus de voir pour la première fois le désert de Mojave. Un désert que nous allions longer plus tard en Californie du Sud. Juste avant notre ascension, une surprise nous attendait. Bear Socks et Cowboy étaient en train de redescendre Whitney ! Ce sont nos deux amis avec qui nous avons traversé l’État de Washington. Nous les avions rattrapés après presque deux mois à être derrière eux. Ils étaient encore un petit peu en avance sur nous étant donné que la randonnée pour le mont Whitney est un aller-retour d’extra hors de la PCT. Nous étions motivés de réussir à les rejoindre avant Kennedy Meadow South.
Le désert
Quel contraste incroyable: Après le climat froid et humide des Sierras, nous avons rapidement descendu des montagnes pour tomber directement dans le désert. Apparition de cactus et de lézards, le changement de climat et de paysage a été drastique et très impressionnant. Mais nous étions finalement réunis avec nos amis, heureux de vivre ce moment avec eux. Vivre le moment de notre arrivée à Kennedy Meadow South, le fameux lieu qui marquait notre réussite de la traversée des Sierras, notre victoire contre la neige. La portion du sentier avant d’atteindre ce lieu mythique était carrément une marche dans le sable, ultra exposée. Ça nous donnait un avant-goût de ce qui nous attendait pour la suite.
Avant toute chose, nous devions fêter avec nos amis à coups de crêpes et de root beers ou de bières tout court ! Le lendemain, nous voulions faire une petite journée comme première vraie traversée du désert pour ensuite se taper un 50 kilomètres jusqu’à Ridgecrest. Aussitôt repartis, nous sommes tombés sur notre premier serpent à sonnette. Ces petites bêtes étaient maintenant la norme, nous devions être attentifs. Une morsure peut être très dangereuse. Le désert était maintenant notre nouvelle réalité.
La chaleur
La rareté de l’eau et la chaleur nous ont frappées. Quand nous avons atteint la route qui menait à Ridgecrest, j’étais assoiffé. Nous venions de traverser 50 kilomètres en une journée dans le désert. Nous avions mal calculé nos rations d’eau par rapport aux points disponibles sur le sentier. J’ai réussi à trouver un petit peu d’eau cachée dans le bas du sentier à un endroit où tout le monde mentionnait que c’était asséché. Arrivé sur le bord de la route, j’ai carrément demandé de l’eau à une personne en campervan. Les gens me regardaient caler une bouteille d’eau après l’autre. Ç’a été une leçon, j’ai toujours transporté un peu plus d’eau que nécessaire pour la suite. Nous avions établi de toujours avoir 1 litre de secours à l’avenir.
Nous sommes arrivés à Ridgecrest un peu découragé. Sandy n’aimait vraiment pas son début d’expérience dans le désert, elle paniquait un peu. La chaleur, l’exposition au soleil constante et le manque d’eau, tout ça l’a rendait anxieuse pour la suite. Pour ma part, je me sentais fatigué après toute cette marche. Vous savez, nous venions de traverser plus de 3000 kilomètres, davantage qu’en Nouvelle-Zélande sur la Te Araroa en une plus courte période. Bien que nous allions perdre nos amis de vue encore une fois, nous avons décidé de prendre deux jours zéro consécutifs. Il fallait essayer de recharger nos batteries au maximum avant de repartir à l’assaut du désert.
Ride Like the Wind to the Border of Mexico
Nous savions que nous allions devoir traverser des parcs éoliens, mais je n’avais pas fait le lien systématique entre éolienne et vent. Et bien, dans un parc éolien, il vente ! Je crois que la région autour de Tehachapi est l’endroit où il vente le plus au monde. Sérieusement, nous avions constamment le vent dans la figure, sans compter les nuits en tente avec notre Zpacks Duplex faite en voile de bateau. Elle voulait tout simplement s’envoler. Le défi de trouver un endroit protégé du vent sur une crête entourée du désert avec pratiquement aucun arbre, à l’exception de quelques Joshua Trees, était grand ou carrément mission impossible.
Nous sommes arrivés à Tehachapi exténué. Nous venions de terminer la 4e section sur 5 de la PCT, il ne nous restait plus que la Californie du Sud à traverser. La fatigue découlant de notre rythme se faisait de plus en plus sentir. Nous avons décidé de prendre un autre zéro, en espérant être prêts pour la suite. La suite, où nous allions avoir besoin de notre chanson thème pour espérer toucher la frontière mexicaine.