• Point de départ officiel : Frontière Oregon-Cali
  • Date de début: 15 août 2018
  • Date de fin: 8 septembre 2018
  • Distance: 964,6 km
  • Moyenne de km par jour: 40,2 km
  • Nombre de jours zéro km: 1 zéro
  • Montée totale: 31 830 m 
  • Descente totale: 31 418 m  

L'optimisme est un bon allié

La fumée, on en a respiré beaucoup. Nous étions vraiment à bout, ça devait arrêter. Par chance, le début de notre randonnée en Californie nous a donné quelques éclaircies, mais cette fumée demeurait là, pas trop loin. Nous savions que le moindre coup de vent pouvait nous la ramener en plein visage. De plus, comme vous le savez déjà, j’avais à mes côtés une femme très optimiste, Sandy. Elle répétait souvent que nous allions un jour sortir de cette maudite fumée. Doublé de mon indestructible persévérance, son optimisme était pour nous un bon allié. 

Le State of Jefferson

La PCT passe plus à l’est de la Californie. Donc non, nous ne voyions pas la côte et ne passons pas dans les grandes villes populaires comme San Francisco et Los Angeles. L’expérience se situe dans les montagnes et dans le désert (vous allez voir) et les habitants sont plus conservateurs et d’allégeance républicaine. Un petit village comme Seiad Valley est très intéressant à visiter. Ce fut la première civilisation rencontrée en Californie et le village est directement sur le sentier. Les gens qui y habitent sont pour une sécession de la Californie pour créer un nouvel État, le State of Jefferson ! C’est très impressionnant que des gens qui votent en général en considérant la religion et leur porte-feuilles en premier soient aussi accueillants et aidants. Les gens vont littéralement tout faire pour aider les randonneurs.

Bref, je sors de ma petite parenthèse ! Seiad Valley est aussi populaire pour son fameux pancake challenge, 3 livres de crêpes et vous avez 2 heures pour les manger. Si vous réussissez, elles sont gratuites. Ce fut amusant de regarder randonneur après randonneur échouer lamentablement ! (Nous n’avons pas essayé, on est plate comme ça ! ;))

Donner au prochain

Je crois que c’est une des plus grandes leçons d’un sentier comme celui-là. Il faut donner au prochain sans attendre quoi que ce soit en retour, donner par pur amour. Nous avions rencontré à Seiad Valley un homme très généreux, Rob, qui s’occupe pratiquement à plein temps de sa soeur qui fait des crises d’épilepsie à répétition. Il a une vision de la vie qui donne chaud au coeur. De plus, il travaillait nouvellement dans une microbrasserie de la petite ville d’Etna, Paystreak Brewing, à environ 3 jours de plus sur le sentier. La ville était pour nous un point de ravitaillement, mais il faut aussi profiter de l’ambiance qui est magique pour les randonneurs. Rob nous a gentiment raccompagné sur le sentier et nous n’oublierons jamais cette rencontre, un homme sage et inspirant!

L'espoir

C’était très difficile de ne pas prendre un zéro (journée sans marcher) sur Etna ! Le même jour, nous avons finalement repris la route pour faire quelques kilomètres. Le lendemain, surprise, le ciel était complètement dégagé, d’un bleu vif et envoûtant. Nous étions aux anges, l’espoir de ne plus marcher dans la fumée renaissait. Les vues étaient encore plus belles juste parce que nous en avions été privées durant plus de 2 semaines !  Le mont Shasta était visible au loin, un volcan très populaire en saison de ski. Nous ne prenions plus pour certain ce ciel bleu clair si précieux !

Cette journée-là, nous nous sommes arrêtés près d’un lac pour camper et Sandy a nagé nue comme un ver pour la première fois. La nuit s’installait tout doucement, nous étions bien étendus sur un couvert de gazon très confortable, très douillet et soudainement…le vent s’est levé…de plus en plus intensément. Il a venté pour une bonne partie de la nuit, pour nous laisser avec un matin gris. Un matin qui nous donnait un goût amer, un goût de déjà vu, la fumée était de retour…

La peur, le doute et le désespoir

Il fallait en sortir, il fallait courir pour en sortir. La fumée n’était plus tolérable, elle devait disparaître ! Pour atteindre la petite ville de Castella, près de mont Shasta, nous avons marché de longues heures et ça nous faisait de grosses journées. La dernière représentait 57 kilomètres de marche ! Nous étions littéralement en mode course, on devait à tout prix sortir de cette fumée.

La peur

Le lendemain, nous étions au dépanneur et soudainement un couple de retraités nous ont demandé si nous étions au courant que le sentier était fermé après Castella. Non, nous n’étions pas au courant et nous n’avions aucun accès à Internet ou à quoi que ce soit. Mais logiquement, si le sentier était fermé, le PCTA aurait installé des écriteaux à l’entrée pour avertir les randonneurs. Nous avons donc continué notre chemin. Aucun écriteau, aucun signe, absolument aucune indication. Par contre, il y avait beaucoup de fumée cette journée-là, une des pires journées en fait, l’inquiétude commençait à nous gagner. 

Un peu plus loin sur le sentier, nous avons rencontré une randonneuse qui allait vers le nord. Elle avait croisé des pompiers cette journée-là et elle nous disait qu’ils construisaient des pare-feu pour bloquer le feu Hirz qui n’était pas si loin. La peur nous a gagnés, nous étions confus. Devrions-nous continuer ou rebrousser chemin et nous informer ? Notre décision fut de continuer. Nous avons atteint la route de terre où les pompiers devaient être, il ne restait que leurs camions. Quoi faire ? Attendre qu’ils reviennent ? Descendre on ne sait trop où sur la route de terre pour essayer de les rejoindre ? Rebrousser chemin ? Continuer à avancer ? C’était le chaos. La peur nous enrobait totalement. 

Le doute

Soudainement, sortit de nulle part, notre chevalier en armure étincelante apparu, notre sauveur des hypothétiques flammes de l’enfer qui nous menaçaient. Un monsieur qui travaillait en télécommunication pour les propriétaires du terrain menacé par le feu passait par là. Nous avons pris une décision: sortir du sentier et se rendre à mont Shasta pour avoir plus d’information. Le monsieur nous amenait gentiment, mais il ne nous rassurait pas du tout. Selon lui, nous étions tout près du brasier et littéralement en danger ! Arrivé à mont Shasta, nous étions paralysés par le doute, quoi faire ? Pour la première fois, nous pensions réellement sauter des sections du sentier. 

Ma persévérance s’effritait: pourquoi donc randonner ici ? Randonner durant la saison des feux de forêt directement dans un des pires endroits pour le faire à ce moment-là. Plus rien ne faisait de sens, nous étions fatigués et déçus. Devrions-nous aller directement dans les Sierras ? Bon, bon, bon ça suffit ! Nous avons tranché que nous avions besoin d’une nuit de repos et que le lendemain nous allions appeler le Fire Departement et Tony, un Trail Angel de la région, pour nous assurer que nous ne pouvions pas continuer. Le doute est rarement un bon allié…

Le désespoir

Nous relaxions nerveusement (je sais, c’est bizarre) dans la chambre de motel et tout à coup je sens une odeur de fumée. Sandy ouvre la fenêtre et c’était l’apocalypse. Toutes les portes des chambres étaient ouvertes, les pompiers étaient partout. La maison tout juste à côté de notre motel était en feu ! Ça y est, Hirz Fire était en ville, nous étions cuits ! Le désespoir nous envahissait totalement. Mais non, ce n’était qu’un feu de rond de poêle, totalement déconnecté de Hirz Fire ! Mais tout de même, ça reste très ironique et plutôt cocasse, mais pas vraiment drôle ! 

Finalement, le sentier était toujours ouvert. Le feu était encore très loin et les pompiers faisaient un travail préventif. Cette partie de la forêt n’avait pas brûlé depuis 100 ans, donc le feu pouvait prendre des proportions énormes assez rapidement. Tony nous a ramenés exactement où nous avions quitté le sentier, nous étions fous de joie. Nous pouvions continuer en laissant le désespoir derrière nous…

Que la paix soit avec nous...

La suite de notre périple passait dans une zone beaucoup plus désertique, sans être dans le désert, mais il faisait plutôt chaud et c’était très découvert. Les Burney Falls étaient très impressionnantes quoique vraiment touristiques aussi. C’est toujours un peu étrange d’être mêlé aux touristes. Ils prennent des photos pendant que nous mangeons nos nouilles Ramen sèches avec une cuillère pas propre du tout, et le regard des familles sur nous qui critiquent probablement notre hygiène XD ! 

Nous étions contents d’atteindre la ville de Burney, une magnifique surprise nous attendait. Une église de la ville ouvre ses portes à tous les randonneurs, le World of Life Assembly of God. Nous avions accès à une cuisine, des douches et un gymnaste complet. Juste de l’autre côté de la rue, c’était les épiceries ! L’endroit était désert, entièrement pour nous seuls, c’était tout simplement magique. Et oui, nous avons pris un zéro dans l’église ! 😛  

Des ours et des volcans !

Bien reposé, nouveaux souliers aux pieds, nous étions prêts à repartir, direction Chester ! Plus nous avancions en Californie du Nord, plus nous croisions des ours. Seulement dans cette partie de l’État, nous en avons croisé une quinzaine ! C’était quasi rendu une habitude. Outre la présence de ses gros mammifères très peureux, sur notre chemin se retrouvait le Lassen Volcanic National Park, où justement vous devez maintenant transporter votre nourriture dans un contenant anti-ours

Comme nous traversions le parc en une journée, nous avons décidé de faire le parcours sans ce contenant que nous allions devoir traîner tout au long des Sierras. Ce parc volcanique est certainement un « highlight » de la Californie. Les lacs bouillants et sulfureux ainsi que les geysers de fumées étaient très impressionnants. Sandy était moins enchantée quand nous avons lu sur un panneau un avertissement de la présence d’un cougar dans le parc. La note mentionnait : « pick up your little children and don’t hike at dawn » ! 

Le début de la fin

Nous approchions dangereusement de Chester et devinez quoi ? La fumée disparaissait tranquillement ! Devinez une deuxième fois ? Nous avions atteint le milieu du sentier ! En fait, il bouge un peu chaque année, mais le monument lui ne change pas de place ! Reste que c’est connu, autour de Chester, vous atteignez le « midpoint » à un moment ou à un autre. C’était vraiment le début de la fin. À partir de ce moment, il nous resterait toujours moins de kilomètres à marcher que nous en avions déjà marché. C’est un sentiment très différent. 

Nous avons pu profiter d’un camping gratuit derrière une église à Chester, mais aussi pour préparer notre arrivée dans les Sierras. De plus, vous vous souvenez de notre histoire de feu de forêt plus haut ? Et bien à notre arrivée à Chester, la section redoutée était maintenant fermée ! Quelle chance nous avons eu de pouvoir finalement la randonner. Le lendemain, nous étions de retour sur le sentier et une surprise nous attendait…

Ride Like The Wind

C’était un miracle, la fumée était enfin disparue…et pour de bon ! C’était extraordinaire, la joie dans nos cœurs était énorme. Mais, ils nous restaient encore énormément de kilomètres à couvrir et la section la plus redoutée par beaucoup de randonneurs, la plus alpine et la plus compliquée logistiquement s’approchait après chaque pas. Je parle bien sûr des Sierras ! Revenons où nous étions rendus. Après plusieurs jours de marche en forêt, nous avons atteint Belden. Un hôtel, bar et restaurant très spécial avec un style western en pleins milieux des bois. Nous voulions faire le plein d’énergie avant d’entamer une montée très abrupte, environ 1200 mètres sur 10 kilomètres ! 

Nous étions en train de manger des crêpes dans cette ambiance hors du commun quand quelqu’un du côté du bar a mis une chanson dans le Jukebox que nous n’oublierons jamais, Ride Like The Wind de Christopher Cross. 

«And I’ve got such a long way to go (such a long way to go)
To make it to the border of Mexico
So I’ll ride like the wind
Ride like the wind » 

C’était devenu notre chanson thème. À partir de ce moment, nous l’écoutions au moins une fois par jour, pour regarder notre but en face, pour espérer toucher la frontière mexicaine…

Fait un voeux et il se réalisera

Notre prochain point de ravitaillement se trouvait dans la ville de Quincy. Nous étions sans réception depuis un petit bout et un peu fatigués par la randonnée. Nous avions besoin de repos. En descendant du sentier vers la route, j’ai dit à Sandy: la voiture qui va nous prendre sur le pouce, les gens vont nous offrir un lit, un repas et une bonne soirée ! Et bien, c’est exactement ce qui est arrivé ! Joe et Linda nous ont accueillis chaleureusement dans leur maison à Bucks Lake. C’était encore une fois magique et nous ne remercierons jamais suffisamment tous ceux et celles qui nous ont aidés le long de notre chemin. La tentation était forte de rester pour un zéro, mais nous avons continué. Vous savez, il fallait toujours continuer… 

Durant les 100 kilomètres qui nous séparaient de Bucks Lake et de Sierra City, nous pouvions observer le changement de paysage. Nous passions tranquillement du Cascade Range, sur lequel nous randonnions depuis Washington, vers le Sierra Nevada Range qui est principalement composé de granite. Les Sierra Buttes en sont un exemple. (Regarder les photos plus bas) Il était temps de changer notre perspective du sentier qui n’allait plus jamais être la même par la suite.

Chaque coucher de soleil est différent

Nous pouvions voir au loin un nouveau feu de forêt, mais par chance il n’était pas près du sentier. Nous sommes toujours un peu inquiets tout de même. Pour nous, mais aussi pour tous les gens et toutes les familles qui sont menacés par ces feux qui sont parfois dévastateurs. Malgré la présence d’une colonne de fumée au loin, notre vue sur les paysages n’était pas affectée. La vue d’un coucher de soleil sur la PCT, c’est magique et très différent chaque fois. Ça nous rappelle à quel point la vie est un flux continuel de changements qui peut nous jeter par terre à chaque regard. 

En parlant de jeter par terre, une nuit sur cette section a été plutôt du genre à nous clouer au sol. Nous entendions un regroupement de chevreuils près de notre tente et tout à coup, ils ont tous arrêté de bouger. Ils sont restés immobiles durant au moins 30 secondes pour ensuite courir à toute vitesse. Quelques secondes plus tard, nous pouvions entendre des pas larges, lents et précis, comme un humain qui marche lentement pour ne pas se faire repérer. La « chose » s’est promenée quelques fois dans les parages et j’ai essayé de l’apercevoir dans la nuit avec ma lampe frontale, mais rien. C’était, j’en suis presque certain, un cougar. La façon qu’il se déplaçait, le poids qu’il semblait avoir en le faisant, je serais vraiment surpris que ce soit autre chose. Bref, nous ne le saurons jamais vraiment ! 

La beauté de la désolation

Notre passage dans les alentours de Truckee nous démontrait clairement le changement de paysage. Le granite y était massif et la région est populaire justement pour la qualité de la pierre qui en fait de très bonnes façades pour l’escalade. Les gens de la région mentionnaient que la qualité est comparable au granite du parc de Yosemite, un parc que nous allions traverser du nord au sud plus tard sur le sentier. Après plusieurs jours à observer au loin le lac Tahoe, le plus grand lac alpin d’Amérique du Nord, nous nous enfoncions dans la forêt et l’expérience était très différente. Les vues sur le lac ou sur les montagnes n’étaient plus vraiment présentes. C’était davantage une expérience de forêt, mais une surprise nous attendait encore une fois. 

Notre entrée dans le Desolation Wilderness était extraordinaire. Nous avons eu le souffle coupé à de nombreuses occasions. Le granite mixé avec des lacs alpins, les nuages d’un blanc incroyable, le bleu du ciel si perçant et un silence quasi monastique ne peuvent laisser personne indifférent. Le lac Aloha est tout simplement surréel, même en regardant les photos aujourd’hui je n’y crois toujours pas ! C’est un endroit où j’aimerais assurément retourner un jour. C’est un de nos highlights de la Californie du Nord.

 

Et une sur trois

La longue Californie se divise en 3 sections sur la PCT. La section de la Californie du Nord se termine à Echo Lake, un peu après avoir quitté Desolation Wilderness. Nous avons fait du pouce pour rejoindre South Lake Tahoe, où nous avons pris un zéro pour nous préparer à affronter la deuxième section de la Californie. La fameuse section que tout le monde redoute, la section qui peut nous faire tomber de la neige sur la tête aussi tôt qu’en octobre, les Sierras ! 

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