J’ai écrit les articles précédents peut-être d’une façon trop linéaire et cartésienne, celui-ci sera un peu différent ! Nous avons déjà marché plus de 800km et nous avons atteint la ville d’Hamilton. Je vais donc essayer de couvrir la distance du marqueur rouge sur la carte à la flèche orange qui indique notre position en mettant l’accent sur quelques faits saillants.
Hey ! Marche le dernier kilomètre
Déjà un mois est passé depuis notre départ et chaque journée est pour moi une nouvelle aventure, on ne sait jamais où on va dormir en se réveillant, comment la journée va se dérouler ou bien quel défi va nous faire face. Par contre, l’expérience TA peut être ressentit par certains comme une répétition des mêmes choses: plages, forêts, routes pavées, routes de gravier et beaucoup de randonneurs « hitch hike » des sections, ce qui veut dire sauter une très longue partie de route par exemple. J’ai beaucoup de difficulté à comprendre ceux qui le font, mais Sandy m’explique jour après jour que chacun vit sa propre expérience et que ce n’est pas tout le monde qui a comme objectif de marcher chaque kilomètre. J’ai probablement un esprit trop compétitif, parfois je suis frustré que certaines personnes arrivent avant nous à un endroit parce qu’ils ont « hitch hike », mais bon au fond Sandy a raison, chacun vit l’expérience comme il le veut !
L'amitié est fragile
Justement, après autant de kilomètres parcourus, j’ai appris beaucoup sur différents aspects. Un entre autres m’a frappé fort et c’est celui de mon innocence. Notre ami Lars a quitté la trail soudainement pour aller rejoindre sa famille pour Noël et la vision que nous avions des 300 premiers kilomètres s’est effondrée. Nous avions tellement de plaisirs, tout était facile en étant quatre et c’était plus tentant de prendre des journées de repos pour s’amuser ! Mais, boum ! La réalité que les ami(e)s sur la TA vont et viennent, que des gens peuvent quitter n’importe quand, que l’abandon est vraiment une option m’a frappée de plein fouet. Cette innocence est aussi liée à un certain deuil du début de notre parcours que nous devons faire, tout le stress et l’excitation des premiers pas disparaissent ou du moins changent de forme. On perd peu à peu les visions préconçues que nous avions d’une telle expérience et devons dire adieu à ce début de parcours si intense et plaisant…
Je dois traverser l'océan à pied ?
J’ai aussi vécu une première frousse quand nous avons dû traverser un estuaire. Nous devions être là pour la marée basse, mais nous sommes arrivés 1h15 trop tard. Je me disais, ça va être bon. Et bien, j’avais beau essayer et essayer de trouver un endroit où traverser, c’était chaque fois trop intense, j’avais de l’eau presque aux épaules à ma première tentative et je sentais un bon courant. J’avais peur pour Sandy qui est beaucoup plus petite que moi. J’avais l’impression que l’océan allait m’avaler tout rond, je ne la sentais pas cette traversée, oh non ! J’ai reculé et j’ai abandonné, oh moi abandonner ? Ce n’était pas facile ! Je voulais même camper tout près et réessayer le lendemain, mais la marée basse allait y être seulement à 14h30…Mon ego a eu mal, mais nous avons pris la décision de contourner l’estuaire, 10km de route asphaltée en extra !
Remettre son sac à dos en question
J’ai appris énormément sur la randonnée « self sufficent » comme l’appelle Micheal, notre ami américain qui est devenu mon professeur de randonnée ultralégère ! Il m’a appris que chaque gramme compte, que chaque article dans son sac doit être réfléchi. Je ne peux plus m’arrêter de remettre mon sac en question et celui des autres! Il m’a fait réaliser que la simplicité est la clé, que sur 3000km, tout peut finir par briser et qu’il va falloir trouver un moyen de réparer. Par exemple, un sac d’hydratation avec les tubes pour boire, il a beaucoup plus de chance de se briser à plusieurs endroits que 3 simples bouteilles de plastique.
On est beaucoup transporté par la vague du marketing qui veut nous faire acheter mille et une affaires qu’il nous faut absolument, mais tant qu’on n’a pas expérimenté une telle expérience, on ne peut pas vraiment savoir ! J’ai lu et relu tous les forums, blogues et articles sur le « thru-hiking » et je pensais être sur la coche. Maintenant, je pourrais tout changer mon équipement tellement l’expérience est formatrice ! J’ai enlevé plus de 5 livres de mon sac depuis le premier jour dont mon kit pour cuisiner. Il se résume maintenant seulement à ce qu’il y a sur la photo: un pot de beurre d’arachides et une cuillère!
Ampoules, amour et Auckland !
Les ampoules, il est presque impossible de marcher 3000 km sans en avoir, du moins selon ce que j’ai vu et expérimenté jusqu’à présent. Michael nous a appris qu’il faut les percer, sinon elles grossissent sans arrêt! Une aiguille dans le désinfectant pour les mains avec un bout de soie dentaire qu’il faut laisser dans l’ampoule toute la nuit et le tour est joué. Parfois, il faut la percer plusieurs fois. Cœur sensible attention, je vous ai mis une photo de la procédure plus bas.
J’ai aussi réalisé que je suis très chanceux d’avoir quelqu’un qui m’accompagne chaque jour, la TA peut être difficile, mais à deux tout est possible, même 47,5km en une journée! Nous pouvons à tour de rôle nous relancer des défis et être là dans les moments les plus durs, parce ce qu’il y en a ! Notre marche de Cape Reinga à Hamilton m’a fait réaliser que j’aime marcher et que je suis prêt à tout pour arriver au bout de l’île du Sud en ayant parcouru chaque kilomètre à pied ! ( sauf quand c’est impossible ) Allez hop, direction Bluff !